Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/25

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— Tu auras, en outre, à lui faire boire deux fois par jour de l’eau du Nil, dont il a fait provision, car il ne peut boire que de celle-là : c’est celle de son fleuve natal ; mais, prends bien garde à tes doigts, car il mord… vu que, par son grand-père, il descend de la famille royale des crocodiles d’Égypte ; et que, par ses bisaïeuls, il descend des caïmans sacrés, révérés et honorés par ce peuple abruti…

Ces mots, prononcés avec l’accent du bateleur qui, la baguette à la main, démontre un phénomène, furent interrompues par la brusque arrivée de la mère Major ; elle se précipita comme un ouragan dans la chambre aux chevelures.

L’air furieux, menaçant, l’Alcide femelle tenait à la main une grosse corde à puits soigneusement lovée et garnie de nœuds de distance en distance.

Un pressentiment me dit que c’était la corde dont Bamboche m’avait parlé, et qui devait servir à mon évasion.

— Il voulait s’échapper, le brigand de Bamboche, — s’écria la mère Major, — je le soupçonnais, je viens de le voir se glisser à pas de loup dans le grenier, près du pigeonnier, je l’ai suivi sans qu’il me vît, et je l’ai surpris cette corde sous le bras…

— Ah ! ah ! — fit la Levrasse, avec une grimace facétieuse qui me fit trembler.

— Il y a plus, il avait emmanché comme un crochet à la barre de la lucarne, pour accrocher sa corde… et filer dehors…

— Oh ! oh ! — fit la Levrasse avec une seconde grimace plus grotesque que la première.