Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/282

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— Une telle arrière-pensée, quand je me montre si indulgent pour toi… c’est mal… Mais, après tout, comment en serait-il autrement, avec la vie que tu as menée ?… Je te plains… va, mon pauvre enfant… je ne t’en veux pas.

— Si j’ai mené cette vie-là… ce n’est pas ma faute, — dis-je, touché de la mansuétude de Claude Gérard, — nous avons voulu par deux fois… redevenir honnêtes… on nous a reçus comme des chiens… Eh bien ! tant pis… nous resterons comme nous sommes…

— Ainsi, tes compagnons et toi… vous avez eu souvent… conscience… regret de la mauvaise vie que vous meniez ?

— Oh ! oui… allez… plus d’une fois… et comme disait un jour Bamboche en pleurant : — Nous n’étions pas méchants pourtant

Ces derniers mots parurent frapper Claude Gérard ; il marcha quelques moments en silence dans sa chambre, puis revenant auprès de moi :

— Écoute ! je te crois capable de revenir au bien… si un honnête homme se chargeait de toi. Si tu le veux… tu resteras ici… mais, je t’en avertis, ta condition sera pauvre et rude ; le pain noir que tu as mangé ce soir, est ma nourriture de chaque jour ; comme moi, tu coucheras dans cette étable ; tu partageras avec moi de pénibles travaux… mais je t’arracherai à une vie qui te mène au crime. Je développerai ce qu’il y a de bon en toi… je t’instruirai… je te mettrai à même de gagner un jour honorablement ta vie… et de rester toute ta vie honnête homme… Je sens pour toi un intérêt singulier… et… il m’étonnerait, si je ne songeais à la circonstance qui le