Maintenant que j’y réfléchis de sang-froid, cette raison, ou plutôt cette excuse, que je donnais à une tentation coupable, me semble d’une puérilité stupide, incompréhensible ; cependant rien n’est plus vrai…
Il est du moins certain que, dès le lendemain de ce jour, je commençai à apprendre à lire et à écrire avec un zèle, avec une suite, avec une application opiniâtre dont Claude Gérard fut très-étonné. Mon unique but était la lecture de ces lettres, pensant que ce qu’elles m’apprendraient serait peut-être un lien mystérieux qui me rattacherait à Régina, à son insu et à l’insu de tous.
Je ne cherche pas à pallier cette action ; je tiens seulement à me rappeler sincèrement les raisons absurdes, mais réelles, qui m’ont poussé à un acte doublement coupable, car je ne retirai pas du portefeuille le cordonnet de cheveux ainsi que la petite croix d’acier bronzé et la médaille de plomb qui accompagnaient les lettres, m’autorisant aussi, pour garder ces objets, et de leur valeur insignifiante, et de cette pensée qu’ils devaient être perdus pour tout le monde.
Enfin, une autre raison de ce vol était le désir de posséder quelque chose qui eût appartenu à la mère de Régina, puisque je ne pouvais rien posséder qui eût appartenu à celle-ci.
Je me décidai donc à ce larcin, et, avant de rentrer chez Claude Gérard, j’allai provisoirement cacher dans une grange, attenant à notre étable, le portefeuille sous un tas de foin.
Quand j’entrai chez lui, Claude Gérard, assez inquiet de mon absence prolongée, s’apprêtait à venir à ma rencontre… Mais lorsque, après lui avoir raconté la violation