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— C’est impossible ! — m’écriai-je, — il n’y aurait pas de termes pour flétrir un mépris si criminel de ce qu’il y a de plus sacré au monde : l’éducation de l’enfance !

Claude Gérard me sourit amèrement, et me dit :

— Je n’accuse jamais à tort, mon enfant… Ce que je te dis est vrai… Sans doute ceux qui gouvernent,

    Aude, arrondissement de Limoux. — L’instituteur, très-vieux et très-infirme, est frappé d’une surdité héréditaire. — Eure-et-Loir. — O…, l’instituteur, ancien garçon d’écurie, n’inspire aucune confiance aux parents. — Meurthe. — L’instituteur de Tramont-Lassier est sourd. — Saône-et-Loire. — On éprouve un sentiment pénible lorsqu’on est forcé de dire que l’instituteur est sujet au mal caduc. — Basses-Pyrénées. — J’ai remarqué, parmi ces mauvais instituteurs, un tiers au moins d’estropiés, boiteux, manchots, jambes de bois, etc., pour qui cette incapacité physique a été la seule vocation à l’état d’instituteur.

    Nous nous arrêtons dans ces pénibles citations, dont le nombre est énorme, et qui nous conduiraient trop loin. Terminons, en citant à l’appui de ce que nous avons avancé, les admirables paroles de M. Michelet.

    Elles renferment un grand enseignement pour qui sait comparer, attendre et espérer.

    « — Dans sa terrible misère, dit M. Michelet, la Convention voulut donner cinquante-quatre millions à l’instruction primaire… Temps singulier, où les hommes se disaient matérialistes, et qui fut en réalité l’apothéose de la pensée, le règne de l’esprit. — Je ne le cache pas, de toutes les misères de ce temps-ci, il n’y en a pas qui me pèse davantage : l’homme de France le plus méritant, le plus misérable, le plus oublié, c’est le maître d’école ; l’État l’abandonne aux ennemis de l’État. — Vous dites que les frères enseignent mieux. — Je le nie. — Quand cela serait vrai, que m’importe ? — Le maître d’école, c’est la France, — le frère, c’est Rome.— C’est l’étranger, c’est l’ennemi ; lisez plutôt leurs livres, suivez leurs habitudes et leurs relations. Flatteurs pour l’Université, et tous jésuites au cœur. » (Le Peuple, par Michelet, 141.)