— Mon pauvre enfant, le pouvoir craint peu la violence ;… il l’écrase dans le sang,… mais il redoute les idées, que le fer et le plomb n’atteignent pas… Et, malheureusement, il faut le dire, le pouvoir a souvent les parents des enfants pour complices forcés, dans ces tendances abrutissantes… Et pourtant, si un père est civilement responsable devant la société des fautes que son enfant peut commettre jusqu’à un certain âge,… pourquoi ce père ne serait-il pas aussi, moralement et civilement, responsable de l’ignorance de son fils… l’ignorance… source de tout le mal… comme la misère ?…
— En effet, — dis-je à Claude Gérard, — cela serait juste.
— Hélas ! mon pauvre enfant… tant de choses sont justes… et qui s’occupe à les faire prévaloir ? Dans certains pays, il est vrai, le père qui n’envoie pas ses enfants à l’école est puni d’une amende… Il y a du bon dans cette mesure : car souvent il faut imposer sévèrement le bien… Et pourtant… une telle mesure serait-elle applicable ici ? Vois autour de nous : telle est la misère des populations, que ces pauvres gens ne peuvent se passer des services que leurs enfants leur rendent, soit en gardant les troupeaux tout le jour, soit en travaillant à la terre malgré la faiblesse de leur âge. Alors… que veux-tu ? Obligés de faire gagner à leurs enfants, par un rude travail, le peu de pain qu’ils leur donnent, ils ne peuvent les envoyer à l’école, et l’on n’a pas la force de blâmer ces malheureux parents. Oh ! misère !… misère !… — ajouta Claude Gérard avec un douloureux