Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/394

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tons, depuis la menace (il en vit bientôt la vanité) jusqu’à la prière la plus humble, et, je serai vrai, la plus touchante ; je restai inflexible. Alors, croyant m’ébranler par sa franchise, il m’avoua le vol que vous aviez commis autrefois, et voulut mettre dans ma main une bourse pleine d’or pour m’indemniser ; je repoussai la bourse, et je répondis que tu étais parvenu à me rendre cette somme en travaillant trois fois par semaine comme aide-charpentier. Bamboche tenta un dernier effort : il me dit que depuis deux mois à peine qu’il se trouvait dans une position brillante, il n’avait eu qu’une pensée, qu’un but, te retrouver, et qu’après des efforts inouïs pour se rappeler la route et les lieux que vous aviez autrefois parcourus, il y était parvenu… et que c’était alors que je voulais te soustraire à son amitié. Il y eut dans les paroles de ce singulier homme un mélange d’astuce et de sincérité, d’effronterie et de sensibilité profonde, qui me frappa et me toucha malgré moi, et cette impression même m’affermit encore plus dans ma résolution de ne pas te laisser voir à Bamboche. Je connais les hommes ; j’étais et je suis encore certain que ton compagnon d’enfance n’avait pu gagner honnêtement l’existence luxueuse qu’il voulait partager avec toi. Il me l’avoua d’ailleurs avec une cynique franchise, car il me dit à ce propos : — Je n’ai pardieu pas gagné mon argent en travaillant pour le prix Montyon, mais foi de Bamboche, la justice la plus chatouilleuse n’a pas le droit de regarder dans mes poches. — Je restai inflexible. Trois jours durant, Bamboche, espérant vaincre ma résistance, revint chaque matin de la ville voisine, où il s’était arrêté. Voyant enfin l’inutilité de ses efforts, il se décida à repartir.