— Attendez-moi… je resterai ici quelque temps.
— Et votre paquet, bourgeois ?
— Laissez-le dans votre voiture.
— Pour qu’on vous le pince, n’est-ce pas ? Non, non… soyez tranquille, je vais le mettre dans un de mes coffres ; bien fin celui qui l’y trouvera.
Cette prévenante précaution me sembla d’un bon augure au nouveau point de vue d’où je considérais le cocher ; puis la figure de cet homme, assez âgé, me parut d’ailleurs honnête et franche. Un moment, j’eus l’envie de lui offrir de partager mon repas, car j’étais exténué de fatigue, de besoin, et je voulais profiter de cette occasion pour réparer un peu mes forces… mais je n’osai pas risquer cette invitation, non par fierté, on le conçoit, mais par un sentiment tout contraire ; je craignis que le cocher ne se défiât de moi.
Pendant qu’il s’occupait de préserver mon paquet de tout larcin, j’entrai dans le cabaret, à cette heure presque désert, pourtant quelques buveurs y étaient encore attablés. À leurs vêtements, à leurs façons, à leur langage, je vis facilement qu’ils appartenaient à la classe ouvrière ; ils paraissaient être de braves artisans, qui buvaient joyeusement, grâce à quelque heureuse aubaine. Il n’y avait là aucun de ces types repoussants, ignobles que, dans ma vie de vagabondage avec Bamboche et Basquine, nous avions souvent rencontrés dans des tavernes de bas étage, hantées par les fainéants et les malfaiteurs, tavernes où nous allions chanter et mendier.
L’inquiétude mêlée d’effroi que m’avait laissée la façon mystérieuse dont on venait de me recevoir au pré-