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ment de Balthazar, mon sac de manuscrits sous le bras, et à la main mon inutile boîte à recette, cherchant de quelle façon peu blessante pour l’amour-propre du poète je pourrais lui demander une seconde fois quelque à-compte, car on venait, faute de paiement, de me donner congé d’un petit cabinet garni que j’occupais rue Saint-Nicolas.

J’arrivai à la porte de Balthazar, elle était ouverte ; à mon assez grand étonnement, je vis une malle et un sac de nuit dans la petite pièce qui précédait la chambre du poète, dans laquelle j’entendis à travers la porte entrebâillée des éclats de rire et des exclamations joyeuses, parmi lesquelles revenaient ces mots :

— Ce brave Robert… ce cher Robert… quelle bonne surprise…

À ce nom de Robert, je me rappelai le voyageur dont j’avais porté les bagages lors de sa descente du bateau à vapeur, ce personnage qui, malgré le déguisement de ses traits, avait été reconnu, arrêté devant moi, et conduit sans doute en prison.

Je jetai les yeux sur la malle restée dans l’antichambre de Balthazar, j’y reconnus cette même adresse, déjà remarquée par moi : le comte robert de mareuil.

Plus de doute, il s’agissait de l’ami d’enfance de Régina, de ce Robert dont l’inconnu de la taverne des Trois-Tonneaux, lors de ma dernière rencontre avec lui, m’avait parlé comme d’un rival.

Depuis sa brusque et rapide apparition, devant laquelle s’étaient évanouis mes funestes résolutions, je n’avais pas revu Régina ; mais mon fol amour pour elle, loin de se calmer, avait encore grandi au milieu des