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pour me rendre à cette barrière, il m’eût fallu traverser tout Paris, car je me trouvais dans les environs du Pont-Neuf ; alors je m’informai si dans ce quartier il existait des garnis ; on m’indiqua les ruelles qui avoisinent le Louvre et la rue Saint-Honoré. Je me présentai dans une de ces sinistres demeures ; on exigea de moi non pas quatre sous, mais six sous, en raison du quartier et de la proximité du Palais-Royal, me dit-on ; mais ces deux sous de plus, affectés à ma nuit, représentaient pour moi un jour de subsistance ; j’étais si harassé, j’éprouvais un froid si pénétrant, j’avais tellement besoin de repos, que je me résignai à ce sacrifice ; plus méfiant cette fois, je me couchai tout habillé, serrant précieusement dans mon gousset les sept sous qui me restaient. Il était à peine huit heures du soir ; les habitués de ces maisons toujours suspectes n’arrivant que fort tard dans la nuit, je trouvai déserte la chambre dont un des lits m’était destiné ; quels furent mes compagnons pendant cette nuit ? Je l’ignore, car je dormis d’un si profond sommeil, qu’il fallut que l’hôte vînt m’éveiller, mon droit de séjour expirant à midi.

Presque convaincu d’avance de la vanité de ma requête, je demandai au maître de ce garni s’il pouvait me procurer quelque occupation. Cet homme me regarda d’un air défiant, et sans que je pusse comprendre quel sens odieux il avait attribué à ma proposition, il me répondit grossièrement :

― Tu es de la police… tu veux me tendre une souricière… mais je suis plus roué que toi…

Puis il ajouta d’un air ironique et en appuyant sur les mots :