Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/152

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— Ta, ta, ta, vous direz… vous direz !! quoi ? que direz-vous ? Voilà comme sont ces petits messieurs-là, — reprit le marchand en haussant les épaules avec une expression de dédaigneuse insouciance, — ils viennent vous proposer d’escompter la mort de papa ou de maman, parce qu’ils n’ont pas la patience d’attendre l’héritage, dont ils sont friands… et quand d’honnêtes marchands refusent de favoriser leur désordre, ils viennent les injurier chez eux ; ça fait pitié… voilà tout.

— Comment ! vous osez dire, — s’écria l’adolescent en s’exaltant de plus en plus, — vous osez dire que vous n’êtes pas complice de ce capitaine de hasard qui m’a fait signer pour cent mille francs de lettres de change en blanc, pour lesquelles j’ai été censé recevoir de lui un chargement de bois de campèche et de jambons d’ours, — un brevet d’invention et d’exploitation pour les aérostats lycophores, — mille bouteilles de Lacryma-Christi, deux mille exemplaires de Faublas, — je ne sais combien de quintaux de rhubarbe, — une cession de dix lieues carrées de territoire au Texas, — une partie de plumes d’autruche. — et une créance hypothécaire sur le bey de Tunis… objets et propriétés imaginaires, dont je n’ai jamais vu que les bordereaux et les prétendus titres, et que vous m’avez rachetés en bloc, vous… pour la somme de treize mille trois cents francs ?

À l’énumération des étranges valeurs données à l’adolescent, le chasseur et la soubrette partirent d’un fou rire. Je ne partageai pas cette hilarité, car j’ignorais complètement alors ce que c’était que les prêts usuraires.