Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/167

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anciennes relations et à quelques protections de famille, tu pourrais obtenir un modique emploi… je te dirais : Que l’avenir ne t’inquiète pas, partage avec moi… l’excessivement peu dont je vis ; avant un mois ou deux tu seras casé dans quelque coin avec une bonne petite place de douze ou quinze cents francs… modeste, mais assurée… alors je…

— Écoute, à ton tour, Balthazar… — dit Robert, en interrompant son ami, — élevé dans le luxe et dans l’oisiveté, j’ai pris l’habitude de satisfaire à tous les goûts dispendieux, à tous les caprices d’une opulence prodigue. Je suis ignorant, paresseux et fier… J’aime dans la richesse, non-seulement les délices qu’elle donne, mais encore toutes les jouissances que l’orgueil en retire ; en un mot, j’aime autant à jouir… qu’à tenir mon rang, oui, car à tort ou à raison, je crois qu’un homme de ma naissance doit vivre autrement qu’un autre, qu’il doit représenter… comme on dit, et porter splendidement son nom ; voilà pourquoi, tant que je l’ai pu, j’ai mené le train d’un grand seigneur… À cette heure, me voici ruiné, criblé de dettes ; eh bien, je te le dis brutalement, je suis et je me sens incapable de gagner ma vie par mon travail… D’abord à quel travail serais-je propre ? À aucun… Et en admettant même que le hasard, ou une toute-puissante protection, me donnât un emploi, non pas de douze ou quinze cents francs, mais de douze ou quinze mille francs par an, je suppose…

— Comme qui dirait les appointements d’un préfet, d’un maréchal de camp, d’un évêque ou d’un conseiller à la cour royale, — dit Balthazar.