Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/178

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— Maintenant que je sais tout ce que tu risques, tout ce que tu as souffert, — s’écria le poète, — je te dis, moi, que, si, comme je l’espère, tu épouses cette noble fille… il est impossible que tu ne l’adores pas de nouveau, fût-ce au moins par reconnaissance.

— Je le crois comme toi. Elle m’aura sorti d’une position si désespérée… Mais à cette heure… je suis trop bourrelé d’incertitudes, de craintes, pour songer à l’amour…

— J’aime cette franchise… et je te crois, cela redouble mon zèle… Tout ceci posé, la première chose à faire pour loi, c’est de revoir Régina… Qu’elle ait accueilli les prétentions du comte Duriveau, c’est impossible… Qu’elle accueille celles du prince de Montbar, c’est peu probable… Elle t’a fait un serment… tu ne l’en as pas déliée, et avec son caractère, elle ne peut pas se parjurer…

— Toute ma crainte est que le bruit de mes prodigalités, de ma ruine, peut-être même de mon emprisonnement, ne soit arrivé jusqu’à elle…

— Si Régina t’aime toujours, qu’importe ?… — dit Balthazar à Robert de Mareuil. — L’amour est indulgent, et puis c’est pour t’étourdir sur une séparation trop cruelle que tu te seras jeté à corps perdu dans toutes les dissipations. Encore une fois… si elle t’aime toujours… le reste n’est rien.

— Demain, du reste, je saurai si elle m’aime.

— Demain ?

— Ne va-t-elle pas au Musée avec son père et le comte Duriveau ? Que je rencontre seulement le regard de Régina, je saurai mon sort… Fière et franche comme elle est… il lui sera impossible de dissimuler…