Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/23

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J’espérais ainsi savoir sa demeure.

― Vous êtes… un très-galant homme, Monsieur… malgré votre bonnet grec… et votre blouse, ― me dit-il avec une urbanité gravement comique, ― vous tendez… la main… à un noyé… dans le vin… c’est de très… bon… goût… Mais je vous remercie… je… je… ne rentrerai… que… ce soir… à la nuit… Vous sentez bien… vous si… galant homme… malgré votre bonnet grec… qu’étant parfaitement ivre… car je suis parfaitement ivre… je ne puis pas… rentrer… comme ça… devant… mes… gens…

― Vous avez raison, ― lui dis-je, en attachant sur lui un regard pénétrant, ― mais… si… Mlle Régina… savait que…

Il ne me laissa pas achever, sa physionomie, souriante et débonnaire, devint tout-à-coup grave et inquiète ; un instant sans doute, les fumées du vin se dissipèrent à demi, sous l’impression du profond étonnement qu’il éprouvait ; il se redressa, son pas me parut plus ferme ; alors, le regard impérieux, presque courroucé, il s’écria ;

― De quel droit prononcez-vous ce nom-là, Monsieur ?

― Je prononce le nom de Mlle Régina, ― ajoutai-je, sans me laisser intimider, ― de Mlle Régina… fille du baron…

― De Noirlieu !… ― s’écria-t-il ; ― vous la connaissez ?… vous ?

Puis il garda le silence, et, dégageant brusquement son bras du mien, il se recula d’un pas et m’examina