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― Puisque je ne la… connais pas… je ne peux pas vous… parler d’elle… ― reprit-il.

Et l’inconnu, s’obstinant avec une ténacité d’ivrogne à ne pas se départir de ces réponses malgré toutes les questions que je lui adressai sur Régina, il me fut impossible d’obtenir d’autres renseignements.

En devisant ainsi, nous avions marché le long du boulevard, et de loin nous voyions déjà la barrière ; soudain l’inconnu me dit d’un air mystérieux.

― Dites donc… mon… galant homme… en bonnet grec, une excellente plaisanterie ! Vous avez voulu me faire jaser… Si je vous faisais arrêter en disant que c’est vous qui m’avez volé… je saurais qui… vous êtes…

― Me faire passer pour voleur ?… La plaisanterie n’aurait aucun sel, ― lui dis-je, ― car voilà ce qu’on trouverait sur moi.

Et je lui montrai les quelques sous qui me restaient.

― C’est toujours ça de rattrapé, ― me dit l’inconnu en éclatant de rire.

Et il me saisit la main afin de s’emparer des sous que son brusque mouvement fit tomber à terre. Alors l’inconnu se jeta sur moi, et, m’étreignant vigoureusement, il se mit à crier au voleur de toutes ses forces.

Nous n’étions pas loin de la barrière où je voyais un factionnaire. Effrayé des suites que pouvait avoir pour moi une pareille arrestation, et n’ayant malheureusement pas le temps de ramasser les sous qui s’étaient éparpillés çà et là dans la boue, je me débarrassai non sans peine des mains de l’inconnu dont les cris redou-