Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/270

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surtout une soupière grande comme une tasse, un chef-d’œuvre d’orfèvrerie ; rien ne manquait, depuis des plats de toute dimension jusqu’à des huiliers et carafes de cristal de roche, grandes comme des flacons de poche, et des salières où un pois eût tenu à peine.

— Et les paysans des domaines de cet homme, parqués à moitié nus dans des tanières, disputaient leur nourriture aux pourceaux, — lui dis-je, car le tableau de cette horrible misère était sans cesse devant mes yeux.

— Ces gens-là, mon brave Martin, — dit Bamboche, — élèvent, nourrissent et conservent le gibier à grand frais, mais ils ne tiennent pas à conserver le paysan…

— J’étais à la fois éblouie et effrayée de ce que je voyais, — reprit Basquine. — J’aperçus plus loin sur une étagère à dessus de marbre noir, toute une batterie de cuisine en argent et dans les mêmes proportions que le service, un grand réchaud, sous lequel brûlait de l’esprit de vin, devait servir de foyer et de fourneau ; il n’y avait dans ces préparatifs enfantins rien d’inquiétant ; mais le profond silence qui régnait dans cette pièce tendue de draperies funèbres, commençait à m’effrayer, lorsque l’un des pans de la tenture se souleva. Alors… je crus rêver ; je vis entrer, à cheval sur un de ces grands chevaux de bois, superbes jouets qui se meuvent par un ressort caché, je vis entrer un homme de taille moyenne, assez replet, et paraissant avoir soixante ans environ ; il portait une perruque blonde à longs tire-bouchons ; un grand col de chemise rabattu et une veste très-courte à laquelle se boutonnait son pantalon…