Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/288

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suis vu à la tête de cette fortune, je me suis dit : Il faut que je retrouve Martin et qu’il en goûte.

— Brave Bamboche !

— Claude Gérard ne l’a pas voulu… Ça a été pour moi un mauvais voyage… oui, doublement mauvais, — ajouta Bamboche, en prenant tout-à-coup un air sombre qui me surprit.

— Pourquoi doublement mauvais ? — lui dis-je, voyant que, pensif, il gardait le silence.

— Parce que je ne t’ai pas trouvé, Martin… Et puis…

— Et puis ?…

— Maudite… maison de fous… va… — murmura-t-il à demi-voix.

Pour le moment ces paroles me semblèrent inexplicables, aussi dis-je à Bamboche : Explique-toi.

— Non, — reprit-il en tressaillant ; — à quoi diable vais-je songer ?… Claude Gérard n’ayant donc pas voulu te lâcher, — ajouta Bamboche en reprenant son entrain, — je suis revenu à Paris, et, alors ma foi ! roule ta bosse ; mais, comme il n’y a généralement que les chenapans de ma sorte qui aient du bonheur, quand j’en ai été à mes derniers mille francs, j’ai joué au no 113, et, en deux jours, j’ai gagné cinquante mille francs ; tu me manquais d’autant plus, mon brave Martin, que j’avais plus d’argent… Je ne dis rien de toi, Basquine… Si j’avais su où te trouver…

— Je te crois, Bamboche, — dit Basquine, — partager avec moi cet argent si facilement gagné, qu’était cela auprès du rude travail d’artisan que tu