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À ces mots effrayants, j’arrachai le bandeau ; j’ouvris les yeux malgré d’atroces douleurs… je ne vis rien… que de vagues ténèbres.

À ce coup affreux, ma première pensée fut pour Régina… J’étais à jamais hors d’état de la servir, de veiller sur elle, car les événements passés me prouvaient que, si infime et si obscur que fût mon dévoûment, il pouvait être utile à Mlle de Noirlieu.

Je me demandai aussi avec inquiétude ce qu’étaient devenus Basquine et Bamboche ; de secrets pressentiments me disaient que lui et le cul-de-jatte étaient l’objet des recherches de la police ; je songeais enfin avec anxiété qu’il restait deux prétendants à la main de Mlle de Noirlieu, qui, délivrée du comte de Mareuil, pouvait fixer son choix sur le prince de Montbar… ce jeune homme en apparence si merveilleusement doué, si séduisant, et dont les brillants dehors cachaient une dégradation profonde…

Et malheureusement ma cécité, mes cruelles douleurs, l’absence ou la fuite de Bamboche devaient me laisser, au sujet de Régina, dans une longue et cruelle incertitude.

Un singulier événement vint cependant fixer mes doutes.

J’étais à l’Hôtel-Dieu depuis un an : ma blessure du cou était cicatrisée, mais l’état de ma vue ne s’améliorait pas ; je faisais partie de la division confiée aux soins du docteur Clément, l’un des premiers chirurgiens de l’Hôtel-Dieu ; cet homme, d’une réputation européenne et d’une puissante originalité, s’était tout d’abord intéressé à moi, m’a-t-il dit plus tard, en raison de la courageuse