Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/365

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sionomie austère rayonna soudain de ce qu’il y a de plus pur, de plus divin, dans l’amour paternel. — C’est mon bien aimé Just, et quoiqu’il ait à cette heure quelques années de plus qu’à l’époque où fut peint ce portrait, quoique le soleil d’Afrique ait bruni son teint, et qu’une glorieuse cicatrice ait sillonné son front… tu le reconnaîtras tout de suite à cet air de douceur, de franchise et d’énergie qu’il a toujours conservé.

— Il est encore militaire, Monsieur ?

— Capitaine du génie, s’il vous plaît, et des plus distingués de son arme. Mais c’est là le moindre de ses titres… Il a, faute d’une voix, failli entrer à l’Académie des sciences ; mais à la prochaine élection sa nomination est assurée, sans compter qu’on lui a fait de magnifiques propositions pour aller fonder à l’étranger des établissements métallurgiques ; on lui offrait soixante mille francs par an, et plus tard une large part dans les bénéfices. Voilà ce que c’est que le vrai savoir ! voilà la vraie richesse ! mais ne va pas croire, Martin, — ajouta mon maître en s’animant, — que mon fils ne soit qu’un savant pédant en A plus B : il est aimable, spirituel et gai comme pas un ; il chante comme un ange, dessine à ravir, et je te réponds que jamais l’uniforme n’a fait ressortir une tournure plus naturellement élégante ;… avec cela courageux comme un lion et doux comme un enfant,… car il a la bonté de la force, et puis, un cœur ! — dit le vieillard avec émotion, — un cœur !  ! — et après un moment de silence, il reprit : — Je n’en connais qu’un au monde qui puisse lui être comparé…

— Le vôtre, Monsieur ?

— Non… il y a dans le sien des fibres délicates que