Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/386

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ma chambre fut vivement éclairée par le docteur Clément, qui entra tenant un bougeoir d’une main et de l’autre un couteau de chasse ; quelques secondes après, Suzon, vêtue à la hâte, entrait aussi, portant une lumière.

— Mon pauvre Martin, tu es blessé ! — s’écria mon maître, en me voyant me relever tout ensanglanté.

— Il s’est battu avec le voleur, et il l’a tué, — s’écria Suzon avec effroi, à la vue du cadavre.

Avant que j’eusse pu répondre, le docteur se précipita vers moi, déchira ma chemise à l’endroit où elle était ensanglantée, regarda la plaie et s’écria :

— Grâce à Dieu, la lame a glissé sur l’os… ta blessure n’est rien,… mon courageux Martin.

Et le vieillard me serra sur son cœur.

— Quel bonheur qu’il ne lui soit pas arrivé plus de mal ! — dit Suzon en joignant les mains ; puis, épouvantée d’un tressaillement subit des membres du cul-de-jatte, elle se recula en s’écriant :

— Monsieur, prends garde… le voleur remue encore…

— Lui ? — dit le docteur en examinant la face moribonde du cul-de-jatte étendu sur le dos, et qui, par deux fois, ouvrit à demi la mâchoire par un dernier mouvement convulsif, — il n’a pas deux minutes à vivre…

En effet, une espèce de râlement caverneux s’exhala de la poitrine du bandit avec son dernier souffle… une écume sanglante rougit ses lèvres, et il retomba dans l’immobilité de la mort.

Étourdi, frappé de vertige, en suite de cette scène terrible, je fus forcé de m’asseoir sur le bord de mon lit.