même, et, lui faisant face au moment où il se retournait, je le saluai lui disant timidement :
— Monsieur…
— Monsieur ? — me dit-il en s’arrêtant, surpris et me regardant fixement.
Puis, comme je restais muet, interdit, il ajouta :
— Monsieur, vous vous trompez sans doute ; je n’ai pas l’honneur de vous connaître.
Ces mots me glacèrent ; ma résolution s’évanouit ; je reculai devant l’impossibilité de raconter là, au milieu de cette promenade et de cette foule, presque toute ma vie à un inconnu, d’insister sur mille particularités qui, seules, pouvaient me rendre intéressant et me distinguer d’un mendiant ordinaire. Aussi, effrayé de ce que j’avais tenté, je répondis en balbutiant :
— Non, Monsieur, je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous… je voulais… j’espérais…
Il me fut impossible d’articuler un mot de plus ; mon gosier se contracta, je restai muet, immobile, mon chapeau à la main, n’osant pas lever les yeux sur ce personnage qui, de plus en plus étonné, me dit d’une voix impatiente et haute :
— Enfin, Monsieur, que voulez-vous ? pourquoi m’arrêter ainsi au milieu de cette promenade ?
À ces mots, prononcés d’un ton assez élevé, deux ou trois personnes se retournèrent et s’arrêtèrent pour me regarder. J’étais resté jusqu’alors le chapeau à la main, le front courbé de confusion. Mais, m’apercevant que mon attitude et mon silence embarrassés, joints à l’étonnement très-naturel du personnage que je venais d’aborder, commençaient d’attirer l’attention des promeneurs,