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Lorsque je lui ai eu ouvert la porte, elle m’a dit :

— Vous pouvez vous retirer, je n’ai plus besoin de vous.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je me suis retiré, en effet.

J’ai, selon la coutume, éteint les lumières du parloir du salon et de la pièce d’attente, dont j’ai ouvert et refermé la porte avec bruit, comme si je sortais ; mais, au lieu de sortir, je suis resté dans l’appartement, dont j’ai intérieurement fermé la porte à double tour, puis, blotti dans l’ombre… j’ai attendu que minuit eût sonné.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Énumérer les pensées qui m’ont agité pendant cette heure d’attente et d’orage, m’est impossible… Autant nombrer les flots d’un torrent.

La seule idée fixe, ardente, qui, brûlant en moi d’un feu sombre, domina toutes les autres, fut celle-ci :

— Régina va être à moi… par surprise et par force !

C’était un crime infâme ! je le sais, un crime plus infâme encore que celui que le comte Duriveau avait voulu commettre. Je l’avoue… car ma maîtresse dormait paisible, confiante sous ma garde… sous ma garde à moi, que mon bienfaiteur avait placé près d’elle, comme un serviteur dévoué, comme un gardien tutélaire…

Oui, ce crime était infâme, mais j’étais ivre, mais j’étais fou, mais j’étais poussé par les sauvages appétits de la bête fauve.

Et pour que cette infamie fût complète dans son horreur… je trouvais moyen de la justifier à l’aide de je ne sais quelle féroce hypocrisie.