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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/195

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— Rue de l’Université, — dis-je à Jérôme, — je vous arrêterai où il faudra.

La voiture se mit en marche.

— Maintenant, Monsieur le marquis, — me dit vivement le prince, — maintenant que, par l’indiscrétion de ce cocher, je sais du moins votre titre, vous ne me cacherez pas votre nom plus long-temps, je l’espère.

— Monsieur, — lui dis-je, — l’entretien que nous allons avoir est fort grave… fort sérieux…

— Oh ! oui… grave et sérieux, — s’écria-t-il.

— Alors, Monsieur, faites-moi la grâce de m’entendre quelques instants sans m’interrompre, nous perdrions ainsi un temps précieux.

— Parlez, Monsieur.

— Monsieur… vous êtes le plus malheureux des hommes…

— C’est inouï ! — s’écria le prince en bondissant sur sa banquette, — de la pitié ! maintenant ; allons… soit,… Monsieur… j’ai promis de me taire… je boirai le calice jusqu’à la lie.

Puis il reprit avec amertume :

— Inspirer de la pitié !  !

— Non, Monsieur, mais un intérêt sincère…

— Et qui me vaut, Monsieur, l’honneur de votre sincère intérêt ? — me dit le prince d’un ton sardonique et irrité.

— Vos malheurs ! Monsieur.

— Mes malheurs ?… encore ?

— Oui, vos malheurs, Monsieur, et ils sont cruels : vous aimez toujours passionnément Mme de Montbar, vous luttez en vain depuis dix-huit mois contre cet