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Une demi-heure environ après l’arrivée de M. de Noirlieu, le prince est sorti de chez Régina, l’air pensif, presque satisfait ; il m’a dit, et il a eu de la peine à me dissimuler l’espèce de joie triomphante qu’il ressentait sans doute en me donnant cet ordre :

— Mme de Montbar n’y est pour personne, excepté pour le capitaine Clément.

Et le prince a quitté l’appartement.

Sachant sans doute par Régina que Just allait venir, peut-être M. de Montbar attendait-il d’elle un sacrifice héroïque. Peut-être dans l’entraînement de sa reconnaissance lui avait-elle déjà promis de rompre avec Just. Enfin avait-il dû venir aujourd’hui et à cette heure ? ou bien la princesse lui avait-elle écrit pendant mon absence ? Je l’ignore encore. Peut-être allait-elle demander à Just de s’éloigner pendant quelque temps…

À cette pensée, je me suis senti saisi d’une grande compassion pour Just… qu’un coup imprévu allait si cruellement frapper. Je me suis presque reproché d’avoir agi ainsi que j’avais fait… mais la conscience d’avoir accompli un devoir m’a rassuré… car si le prince parvient à regagner le cœur de sa femme, à bonheur égal… Régina, du caractère dont je la sais, vivra plus heureuse avec son mari qu’avec son amant, parce qu’elle pourra porter, le front haut, ce bonheur légitime.

Vers les cinq heures, M. de Noirlieu est sorti, accompagné de la princesse, qui ne l’a quitté qu’au bas du perron. La sérénité qui brillait dans les traits du vieillard, me disait assez qu’il avait trouvé irrécusables,