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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/144

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— Et pourtant… il faudrait si peu de chose, peut-être, pour sauver la chère petite créature, — reprit Bruyère d’un air pensif : — un vêtement bien chaud… un lit bien sec… et chaque jour du lait pur et tiède…

— Bonsoir, petite Bruyère, — dit soudain une grosse voix joyeuse.

La jeune fille releva la tête, et vit venir à elle, les mains tendues, la figure rayonnante, un grand homme maigre et basané, portant large chapeau rond sologneau, blouse blanche et guêtres blanches.

— Que le bon Dieu vous garde, — ajouta-t-il en s’approchant de Bruyère, — et qu’il vous garde long-temps pour les bonnes gens, car m’est avis que vous êtes un petit (un peu) cousine avec le bon Dieu ; quand vous le voulez, il n’y a pas de malheur qui tienne.

— Qu’y a-t-il de nouveau, maître Chouart ? — demanda Bruyère.

— Ce qu’il y a de nouveau ? de ce soir… ma récolte est engrangée, mon froment battu… Je comptais sur une centaine de setiers de grain, c’était déjà superbe, j’en ai cent vingt-deux… Voilà de vos charmes… et…

Bruyère, un moment pensive, interrompit vivement l’homme au grand chapeau.

— Vous êtes content de votre récolte, maître Chouart ?

— Si j’en suis content ? à chaque boisselée de plus que je mesurais, je disais tout bas : — Merci,