Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/154

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mes de terre,… l’autre année un seigle,… l’autre année un trèfle, et après le trèfle un nouveau froment ;… allant toujours ainsi d’une culture à l’autre en alternant,… car, vous voyez, bon père, ce qui épuise la pauvre nourricière,… ce n’est pas de toujours produire… Elle ne demande qu’à donner,… ce qui l’épuise, c’est de toujours produire la même chose ; vous n’employez ainsi qu’une de ses fécondités,… et elle en a mille. Croyez-moi donc, votre grange sera pleine avec huit arpents bien cultivés ; elle sera presque vide avec quarante arpents mal cultivés.

— Et mes autres trente-deux arpents ? — dit le vieillard d’un air pensif.

— Les moins mauvais,… mettez-les en sainfoins, vous y nourrirez quelque bétail, le bétail vous donnera l’engrais, et sans l’engrais pas de grain.

— Et ma plus mauvaise terre ?

— Semez-y des sapins… cet arbre de notre pauvre Sologne… c’est l’arbre du bon Dieu ; son bois sert à bâtir les maisons, sa feuille chauffe le four, sa pomme flambe au foyer, sa sève coule en résine ; les pires terres sont bonnes pour lui, il croît sans soins ni peines, et, à six ans, il rapporte déjà par son dépressage.

Ces conseils si simples mais si sages, basés qu’ils étaient sur l’étude et sur l’expérimentation des diverses aptitudes du sol, étaient trop clairs, trop logiques, trop pratiques surtout, pour ne pas frapper vivement l’esprit du vieillard ; mais la coutume, cette terrible fatalité des mœurs agricoles, luttait violemment contre les bons instincts du vieillard, qui lui disaient de se rendre aux