Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/219

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l’aime… et elle a tué son enfant ! — s’écria Raphaële, avec un inexprimable mélange de haine, de jalousie et de désespoir…

Puis, fondant en larmes, elle se jeta au cou de sa mère et cacha sa figure dans son sein.

— Ah ! plaignez-moi… méprisez-moi… — reprit-elle. — Malgré tout cela,… j’aime encore Scipion… je l’aime toujours… je l’aime davantage peut-être, car jamais il ne m’a paru plus beau, que lorsque seul, si jeune, si faible, mais si intrépide, il bravait dédaigneusement la furie de ces paysans qui le menaçaient…… Oui, maudissez-moi ma mère, — ajouta Raphaële, et tournant vers sa mère son beau visage inondé de larmes, elle tendit ses mains suppliantes en répétant : — Maudissez-moi !… car vous ne savez pas tout…

Mme Wilson se redressa brusquement sur son séant, et, d’un regard inquiet, pénétrant, interrogea sa fille.

— J’ai abusé de votre aveugle tendresse,… de votre confiance sans bornes… — reprit Raphaële avec abattement.

À ces mots, le premier mouvement de Mme Wilson fut de tressaillir en se rejetant en arrière, et d’abandonner les mains de Raphaële, qu’elle tenait entre les siennes ; puis, rougissant d’avoir un instant douté de sa fille, quoique celle-ci s’accusât elle-même, elle lui dit :

— Toi ? abuser de ma confiance… Je ne te crois pas… pauvre ange.

Ces mots furent prononcés avec un sourire d’une