Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/221

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Mme Wilson, interrompant sa fille, lui dit avec un accent de sérieuse tendresse :

— Écoute, chérie, nous sommes deux sœurs… je vais te parler en femme mariée… à toi, qui seras bientôt la femme de l’homme que tu adores. Il faut, vois-tu, mon enfant aimée, prendre le monde comme il est… les choses comme elles sont. Tu t’effraies… tu souffres de ce que tu appelles l’insouciance, la froideur de Scipion ? Que veux-tu ? il est de son siècle… de son temps. Quoique bien jeune, il affecte… (et je le lui ai reproché devant toi), il affecte, comme la plupart des hommes de son âge, un détachement, une dédaigneuse insouciance de tous les sentiments tendres. Il regarderait comme parfaitement ridicules les airs empressés d’un fiancé ; il croirait jouer le rôle d’un prétendu de province en t’accablant de soins et de prévenances… Au fond, qu’est-ce que ces affectations ? des apparences,… des semblants,… qui n’altèrent en rien l’affection sérieuse, profonde qu’il a pour toi…… Oui,… car il t’aime plus que tu ne le crois… Après tout, c’est à moi, qui sais ce que tu vaux, ce que tu es… de le défendre contre tes doutes funestes… pauvre ange idolâtré… tu as choisi Scipion… tu l’aimes tant, que tu as failli mourir. Il t’a fait demander en mariage par son père… Ce n’est pas ta modeste dot qui a pu le tenter ;… ce qui me reste de fortune est bien peu de chose ; et tout ce que possède ton oncle est placé en viager…

— Ma mère…

— Mon dieu ! toutes ces raisons que tu me forces à te donner pour te rassurer, pour te convaincre, sont