Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/223

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peu, ma chérie ; mais en te parlant à cette heure le langage qu’une fois mariée tu entendrais dans quinze jours, en te montrant enfin le vrai des choses, je te rassure, je te console, je fais enfin justice d’une idée funeste à ton repos.

— Ainsi, maman, — dit Raphaële d’une voix altérée en devenant pâle et tressaillant de tous ses membres, — ainsi,… dans le monde,… aucune pitié pour la jeune fille… séduite,… abandonnée ;… ainsi, dans le monde, pour le séducteur, aucun blâme,… aucune réprobation ; tous lui tendent la main comme de coutume ; tandis que, pour la victime,… c’est… indifférence… c’est mépris…

— Ma pauvre adorée, cela est sans doute cruel… injuste… déplorable, mais que veux-tu ? le monde est ainsi fait, il faut le prendre comme il est. Cette pénible scène de tantôt n’a donc pas, à ce point de vue, tu le conçois, la fâcheuse importance que tu lui attribues… S’agit-il de ton bonheur à venir ? L’importance est moindre encore… car, enfin, il y a un an, Scipion ne te connaissait pas,… et je le répète… il a eu tort sans doute de séduire cette fille… mais enfin… pourquoi a-t-elle été si faible ?… pourquoi n’a-t-elle pas eu assez de vertu, assez de courage pour résister ?… C’est une juste punition de…

— Oh !… c’en est trop, — s’écria Raphaële en interrompant sa mère ; — je suis trop lâche aussi !!… Entendre cela… et me taire… c’est infâme…

Puis, s’adressant à Mme Wilson d’un air presque égaré, elle lui dit d’une voix profondément altérée :