Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/230

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ne l’empêchera de m’abandonner, — murmura la jeune fille avec un abattement douloureux.

Les anxiétés de Raphaële, l’altération croissante de ses traits déchiraient le cœur de Mme Wilson. Elle connaissait l’excès de sensibilité de sa fille, que cet amour avait déjà failli tuer. De plus en plus effrayée de l’abattement de cette infortunée, voulant à tout prix lui donner foi dans l’avenir en lui dévoilant le passé, elle se résigna à une révélation jusqu’alors tenue secrète par la modestie de son dévoûment maternel.

Après un moment d’hésitation, s’adressant à Raphaële :

— Réponds-moi, mon pauvre ange… Avant ce jour où, éperdue, insensée, tu es allée chez Scipion,… on t’aurait dit : Renoncez à cet amour ?…

— Je serais morte…

— Aujourd’hui,… on te dirait : Il faut renoncer à cet amour, à ce mariage…

— Je mourrais à la fois et d’amour et de honte.

— Oui,… je le crois, je le sais, tu mourrais d’amour et de honte ;… mais je ne veux pas que tu meures, moi, et pour que tu vives, il me faut te rassurer ; et, pour te rassurer, il me faut te prouver que rien au monde ne peut s’opposer à ton mariage… pas même la volonté de Scipion… entends-tu bien ? il me faut enfin te prouver que si, pour assurer cette union, j’ai fait, je puis le dire, l’impossible…

— Vous, ma mère ?

— Oui… et alors, tu le vois, le possible, à cette heure, ne sera qu’un jeu pour moi… Ceci t’étonne,