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eu cette énormité à se reprocher ; il voyait là une sorte de dignité personnelle et une garantie, disant au figuré : — Qu’un homme chaussé de soie regarde à deux fois avant de marcher dans la boue. — C’était une étrange manière de comprendre le respect humain ; soit, mais enfin c’était la sienne.

Le vicomte Scipion, loin de continuer cette cérémonieuse tradition, outrait au contraire le négligé, le flottant, que le sans-gêne des habitudes du club, de l’écurie et des filles a mis à la mode chez grand nombre de très-jeunes gens.

Ainsi le costume de Scipion contrastait avec celui de son père, de la manière la plus tranchée : sa cravate noire, si étroite qu’elle ressemblait à un ruban, était négligemment nouée autour d’un col de chemise carré et empesée, qui lui effleurant les oreilles, laissait son cou presque entièrement nu ; son habit, d’un vert mélangé et d’une ampleur démesurée, quoique très-court et à basques arrondies, ressemblait à une veste de chasse ; un gilet écossais, d’une excessive longueur, et taillé sur le modèle de ceux que portent les grooms, s’échancrait sur un pantalon fond brun à grands carreaux bleus, flottant comme un pantalon de marinier sur des bottes vernies à très-hauts talons.

Tel était le costume du vicomte, costume dont le caractère sans façon et cavalier s’augmentait encore par un laisser-aller d’attitudes, par une affectation débraillée plus facile à sentir qu’à peindre ; chemise entr’ouverte à la poitrine, larges poignets empesés, frippés, et à demi relevés sur la manche de l’habit, d’où sortait sa main blanche, fine et amaigrie comme celle d’une femme