Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/282

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— Je n’ose pas, tant que M. le comte parle… Allons… bon… voilà qu’il repart.

— De tout ceci, Messieurs, — reprit le comte, glorieux de la profonde impression causée par ses citations et ses commentaires, — que conclure ? Qu’il faut, ainsi que je vous le disais tout-à-l’heure, bien nous soutenir, nous autres qui possédons, et, sous le prétexte de charité, de pitié, ne faire aucune lâche concession dont on s’armerait contre nous, car plaindre ceux qui souffrent, c’est accuser indirectement la société, et la société ne peut pas avoir tort. Ceci posé, ne nous abusons pas : entre celui qui possède et celui qui ne possède pas, c’est une guerre à mort. Eh bien donc… la guerre. Ce que l’on appelle les prolétaires, soit à la ville, soit aux champs, ressentent contre nous une jalousie féroce, parce que nous avons le superflu et qu’ils n’ont pas le nécessaire ; c’est tout simple, moi dans leur position j’en ferais autant. Ils voudraient piller nos maisons, boire notre vin, monter dans nos voitures ; soit, à leur point de vue, ils ont raison ; qu’ils le fassent s’ils le peuvent, c’est de bonne guerre. Mais que Messieurs les prolétaires ne s’étonnent pas, si à mon tour je leur rends haine pour haine, si mon instinct de conversation m’ordonne à moi de tout faire pour que cette bête féroce dont je crains la gueule et les dents, soit muselée rudement et le plus long-temps possible. Aussi je vous le dis hautement, Messieurs, j’ambitionne la législature afin de pouvoir concourir, dans notre intérêt commun, et dans celui de nos enfants, à forger le bât, le frein et les entraves de la bête féroce, le plus solidement possible… afin qu’elle n’ait ni la force