gardant attentivement son fils. — Morte !… entendez-vous ? Morte !
— Eh bien ! — répondit Scipion avec un flegme effrayant, — si tu as ton beau duel avec le marquis… j’ai une femme qui s’est jetée à l’eau pour moi… ça nous met manche à manche.
— Monstre ! — s’écria le comte hors de lui.
— Mauvais joueur ! — dit Scipion en haussant les épaules ; puis il ajouta tranquillement. — À quand la belle.
Et il prit dans la poche de son gilet un cure-dent dont il se servit.
Il y eut un moment de silence profond, effrayant, dans cette grande chambre. Le fils, triomphant de s’être montré si fort ; le père, épouvanté de ce qu’il venait d’entendre.
— Il me fait peur, — dit à demi-voix le comte, en regardant son fils ; puis il reprit d’une voix altérée : — Non… il est impossible qu’à votre âge vous soyez ainsi endurci… l’habitude de railler de tout et sur tout vous a emporté plus loin que vous ne le vouliez ;… c’est une plaisanterie… mais une plaisanterie… féroce… vous la regrettez… et…
Scipion interrompit son père, et lui dit avec un incroyable accent de supériorité :
— Ce que je regrette, moi, c’est de te voir, avec tout ton esprit, patauger comme tu fais dans ton vertueux bourbier ! Ta position envers moi est si fausse que tu déraisonnes, tant que ce que tu appelles vertueusement à cette heure mes vices, mes scandales, mes férocités, n’a pas contrarié tes projets. Tu as ri