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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/334

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les deux hommes ne pouvaient plus l’entendre, car elle partageait l’espèce de crainte mêlée d’aversion que les gens du roi inspirent à ces pauvres populations.

— Et voilà que dimanche soir, maître Chervin, le métayer, sera ni plus ni moins que nous un journalier de vingt sous, avec sa blouse pour maison, comme un escargot — dit un des valets de ferme en poussant devant lui les chevaux à l’écurie, — c’était pas la peine d’être métayer depuis trente ans… après tout, c’est bien fait.

— Pourquoi que c’est bien fait ? — demanda la Robin.

— Tiens !… c’est un maître, — répondit le charretier.

— Eh bien !

— Dam ! ça amuse toujours de voir un maître embêté.

— Avec ça qu’il est méchant, maître Chervin, — dit la Robin, en haussant les épaules, — une vraie poule, il n’aurait pas osé dire un mot à un enfant ; et il nous a toujours payé nos gages, en se privant bien pour cela.

— Qu’est-ce que ça fait ?… C’est toujours un maître,… un quelqu’un qui vous commande, — répondit le charretier avec une opiniâtreté stupide, — et moi, ça m’amuse de voir les maîtres embêtés ; c’est mon idée.

Cette réponse irrita fort la Robin, mais fit rire aux éclats l’autre charretier qui répéta :

— Hi, hi, hi ! ça nous amuse, nous, de voir les maîtres embêtés.