à M. le comte… ça vient de ses bois, c’est son gibier… c’est mal à nous de…
— Rassure-toi ; c’est aussi un peu le gibier du bon Dieu, qui l’a créé pour tout le monde… D’ailleurs, ton seigneur et maître en a plus qu’il n’en peut manger de gibier ; ses valets y répugnent, et les valets de ses valets aussi… et ses chiens aussi…
— Mais, Monsieur Bête-puante…
— Puisque je te dis que les chiens n’en veulent plus… prends donc ! — s’écria le braconnier, puis il ajouta : — avec ce bouillon là, le bonhomme mangera une de ces tanches que tu feras griller sur des charbons… c’est à la fois léger, nourrissant et savoureux.
Ce disant, le braconnier tira de dessous sa casaque deux superbes tanches, rondes, grasses et longues d’un pied ; un jonc, passé dans les ouïes, les attachait toutes deux, de sorte que le braconnier n’eut qu’à les placer, si cela se peut dire, à cheval sur le poignet de la métayère, où elles restèrent, se balançant à côté du faisan que la bonne femme tenait toujours machinalement par le cou.
— Sainte Vierge ! — s’écria-t-elle, — vous avez donc encore été tendre vos fondrais dans les étangs, malgré les gendarmes et tout ?
À ce moment, grâce à son oreille fine et exercée, le braconnier entendit au loin, derrière la métairie, un bruit de pas seulement perceptible pour lui qui avait les sens subtiles d’un sauvage.
— C’est sans doute Martin, laisse-nous.
Ce disant le braconnier poussa doucement dans la maison la métayère qui tenait toujours à la main le faisan