Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/349

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cyniquement à ses convives d’exécrables principes… tu as craint pour les jours de cet homme… tu t’es élancé sur moi… l’arme que je portais est partie par hasard… de là tout le tumulte…

— Vous êtes indulgent, Claude ; mais je me reprocherai d’avoir pu, dans ma folle épouvante, vous croire capable d’un meurtre… vous… vous, Claude !

— Je jure Dieu, qui nous entend, mon enfant, — dit le braconnier d’une voix solennelle, — qu’emporté par une indignation légitime, je voulais seulement, à la face des convives de Duriveau, lui donner un dernier et redoutable avertissement, et lui crier : Repens-toi, repens-toi, il en est temps encore… et…

— Avez-vous besoin de me jurer cela ? — s’écria Martin, en interrompant le braconnier, — vous Claude, meurtrier, vous…

— Un jour viendra où je serai à la fois juge et vengeur… — dit le braconnier d’une voix sourde, — j’userai d’un droit terrible… mais meurtrier… jamais.

— Je le sais, Claude, — répondit Martin profondément ému ; — oh ! il a fallu, je vous le répète, que je fusse frappé de vertige pour concevoir de telles craintes ; mais la violence des paroles du comte, les justes motifs de votre haine contre lui…

— Tout-à-l’heure, nous parlerons du comte, — dit le braconnier d’une voix brève, — ta mère ?

— Je n’ai pu la voir encore, — répondit Martin avec un abattement douloureux ; — j’ai craint pour elle une impression trop vive. La personne chez qui elle a été transportée avant-hier, m’a fait savoir ce matin que l’état de ma pauvre mère n’avait pas du moins empiré.