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Tout était rentré dans un morne et profond silence.

Bamboche regardait autour de lui avec une anxiété croissante. Soudain, à trois pas, et comme s’il fût sorti de terre, un homme, vêtu d’une manière étrange, se dresse devant lui.

Ce personnage de taille moyenne portait une ample casaque et des pantalons de peau de loup ; le pelage fin et serré du chevreuil formait le fond imperméable de son bonnet orné d’une bande de blaireau ; hâlés, tannés par l’intempérie des saisons, ses traits disparaissaient presque entièrement sous une barbe fauve et grise ; ses yeux bruns, mobiles, perçants, semblaient intérieurement illuminés par une pupille dilatable et phosphorescente, comme si l’habitude de dormir pendant le jour et d’errer la nuit l’avait rendu nyctalope, ainsi que le sont presque tous les animaux de proie ; néanmoins la figure de cet homme était loin d’offrir un type bestial et repoussant. Sur cet intelligent et hardi visage, souvent contracté par un sourire d’une ironie amère, on retrouvait ce cachet de grandeur indéfinissable qu’imprime toujours au front du proscrit l’habitude de vivre dans le danger, dans la solitude et dans la révolte.

On a sans doute déjà reconnu le braconnier surnommé Bête-Puante, caché dans le taillis près du carrefour de la Croix ; il avait ainsi invisiblement assisté à l’entretien du piqueur et de M. Beaucadet.

Jusqu’au moment de sa brusque apparition aux yeux de Bamboche, le braconnier s’était tenu blotti et caché dans ce qu’en terme de braconnage on appelle un affût, sorte de trou de cinq à six pieds de profondeur, recou-