Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/351

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le devancer. Je connaissais des sentiers plus courts que la route ordinaire ; une fois auprès de la métairie, je comptais, en poussant un cri, bien connu de ta sœur, l’attirer dehors et la prévenir ; malheureusement, les gendarmes sont venus si vite, que Bruyère n’a pas entendu mon signal. Arrivant trop tard, et voulant me cacher, je me suis tapi au milieu des roseaux de ce profond fossé que tu vois là… qui n’est séparé de l’étang que par cette herse… Dieu m’inspirait…

— Et alors…

— À la clarté de la lune, je vis la malheureuse enfant se précipiter dans l’étang… Soudain je compris que je pouvais la sauver ; je baissai rapidement la herse… auprès de laquelle ta sœur était tombée. L’eau se déversant dans ce fossé, un courant s’établit aussitôt, et il m’amena la malheureuse enfant qui se débattait contre la mort ; d’une main, je la saisis par ses vêtements ; de l’autre, je relevai la herse ; le trop plein s’arrêta, l’eau du fossé où j’étais alors, et qui me montait à la ceinture, s’écoula. Portant alors ta sœur entre mes bras comme un enfant, j’ai continué de marcher dans ce fossé jusqu’à ce que j’aie pu en sortir sans danger d’être vu ;… puis, à travers bois, j’ai gagné un de mes repaires… et tu sais le reste…

— Et, pendant ce temps-là, on cherchait en vain le corps de l’infortunée que leur accusation infâme avait poussée au suicide… — dit Martin, ne pouvant retenir ses larmes.

— Les misérables !… infanticide !… elle !… — s’écria le braconnier ; — elle, pauvre petite, qui, cédant à un irrésistible sentiment de honte et de terreur, était