Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/354

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presque le droit de m’affliger de la mort du fils de ta sœur… tant est affreuse la condition qui attend ses pareils ! Et pourtant… — reprit le braconnier, en cédant à un attendrissement involontaire, — si tu savais ce que c’est que de voir peu-à-peu pâlir, s’éteindre et expirer sous ses yeux une pauvre innocente créature… Non… vois-tu ? je ne puis te dire les déchirements de mon cœur pendant cette nuit, où, après avoir en vain frappé à l’asile où je comptais déposer l’enfant de ta sœur, je tâchai en vain de le ramener. Hélas ! quoique bien accablé déjà par la maladie et par la fatigue du voyage, il aurait vécu s’il eût trouvé, en arrivant, les soins empressés que réclamait sa faiblesse… mains non… Rien… rien… à cette heure avancée de la nuit… nuit pluvieuse et froide… pas une maison n’était ouverte… je sentais les membres du pauvre enfant se raidir… se glacer ; en vain je les réchauffai de mon haleine ; il tressaillit convulsivement… puis il fit entendre un petit vagissement doux et plaintif ; il sourit comme s’il souriait aux anges, et… il est mort.

Après un moment de silence que Martin n’eut pas la force d’interrompre, le braconnier reprit d’une voix plus assurée :

— Je me fis un pieux devoir de rapporter à ta sœur… son enfant… Pour une mère c’est quelque chose encore que de pouvoir prier et pleurer sur le tombeau de son fils… je regagnai donc mon repaire avec ce triste fardeau. Le jour de mon retour de Vierzon un hasard funeste a fait découvrir ma retraite, je n’avais pu prévenir Bruyère ; elle apprit en même temps et