Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

si le plomb de votre carabine aurait meilleure chance… Ah ! vieux drôle, vous prêchez la charité à coups de fusil !

— Cela n’est pas vrai… je n’ai pas tiré sur toi ; mais il y a long-temps que j’aurais dû le faire, — dit le braconnier… — Rappelle-toi ton serment… Duriveau…

— Ah !… le bon billet qu’a La Châtre, — s’écria le comte avec un éclat de rire sardonique.

Le braconnier s’adressant à Martin, lui dit d’une voix sourde :

— Tu l’entends… tu l’entends ?

— Ah çà… je voudrais un peu comprendre aussi, moi, — dit Scipion à son père. — Qu’est-ce que tout cela signifie ?

— Tu vas le savoir, — répondit le comte en jetant sur le braconnier un regard de haine et de défi.

Puis du ton le plus jeune-père, et avec une désinvolture tout-à-fait régence, il poursuivit :

— Tu vois bien cet homme-là ; il était maître d’école de village… Il aimait à la folie une très-jolie fille… qui l’aimait comme on peut aimer une espèce de cette tournure, moitié rustre et moitié pédant, c’est-à-dire qu’elle l’aimait en frère… Je lui soufflai… cette jolie fille…

— Ça s’est vu, — dit froidement Scipion sans quitter son cigare de ses lèvres.

— Quelques années après, dans un déplacement de chasse, le hasard me fait rencontrer la femme du rustre pédagogue, qui s’était marié pour se consoler… Elle était, pardieu ! très-gentille et vraiment pas mal