Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/73

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ses compagnons, M. Alcide Dumolard se sentait talonné par une peur atroce ; car la pensée de ce dangereux assassin que l’on traquait dans ce bois, et justement de ce côté, lui revenait sans cesse à l’esprit.

— Dans un moment désespéré, un brigand pareil est capable de tout ; un malheur est si vite arrivé… ces bois sont si déserts, — murmurait le gros homme en trottant à travers les arbres autant que le lui permettait sa prudence… Et ce Duriveau qui sait cela et qui va, qui va, qui va… sans s’inquiéter de moi… Il y a des gens d’un égoïsme !… Et son fils qui va crier que je suis matelassé de billets de banque… Heureusement je vois encore… là-bas… mon monde… à travers les arbres… Ces habits rouges sont si voyants que cela vous guide.

Ce disant, M. Dumolard, poussé par la frayeur et par l’espoir de rejoindre les autres chasseurs, profita d’une disposition des arbres plus praticable, et mit son cheval au galop.

— Ah !… je me rapproche d’eux… enfin, — disait-il en soufflant d’émotion. — Je vais les appeler ; ils m’attendront.

Et toujours galopant, afin de ne pas perdre sa distance, M. Dumolard s’écria :

— Ma sœur… Melcy… attends-moi !…

Sans doute Mme Wilson n’entendit pas la voix essoufflée de son frère, car, suivant sa fille, qui la précédait, elle disparut au moment même de cet appel par une route latérale, un fourré très-épais et impraticable ayant succédé à la futaie.