Oubliant que j’étais l’enfant de son frère bien-aimé, ma tante ne voyait en moi que la fille d’une femme qu’elle avait abhorrée ; je devais aussi hériter de son aversion pour ma mère.
Pendant mon enfance, mademoiselle de Maran fut presque continuellement pour moi un sujet d’effroi ; son visage long, maigre, bistre, ses traits fortement caractérisés, paraissaient encore plus durs à cause d’un tour de faux cheveux noirs qui cachaient à demi son front aplati comme celui d’une couleuvre. Elle avait des sourcils gris très épais, les yeux bruns, petits et perçants.
Elle portait en toute saison une robe de soie carmélite et un chapeau de même couleur et de même étoffe, dont elle se coiffait toujours, même le matin dans son lit, où elle avait coutume de déjeuner, d’écrire ou de lire, enveloppée d’un manteau de lit, aussi de soie carmélite, ainsi qu’on en portait avant la révolution.
Lorsque chaque jour il s’agissait d’entrer chez ma tante, j’étais saisie d’un tremblement involontaire ; les pleurs me suffoquaient.