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Page:Sue - Mathilde, tome 1.djvu/348

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je ne pus modérer mon langage et je regrette aujourd’hui sa cruauté. Entraînée par le désir de venger Gontran des calomnies dont je le croyais l’objet, je continuai :

— Vous dites qu’il n’a plus de fortune ! qu’il l’a dissipée… Tant mieux, Madame, je suis doublement heureuse de pouvoir lui offrir la mienne. Il a, dites-vous, cherché des ressources dans le jeu !… Désormais riche, il n’aura pas à recourir à ce moyen… Vous croyez qu’il me trompe, Madame, rassurez-vous… rassurez-vous ; l’envie, la jalousie, prennent souvent leurs méchantes espérances pour de la prévision… Le véritable amour est plus heureux ; fort de son dévoûment, de sa générosité, il prévoit sûrement la récompense qu’il mérite et qu’il obtient.

Madame de Richeville redressa son beau visage, qu’à ma grande surprise je vis baigné de larmes et douloureusement contracté.

Je vous l’avoue, mon ami, malgré mon indignation, je ne pus m’empêcher d’être bien émue en voyant cette femme, ordinairement si fière et si hautaine, écouter mes reproches avec tant de résignation.