Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/164

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valeur quand on les leur commande et qu’ils vous savent riches… Quand j’étais jeune, j’étais assez niais pour les payer d’avance ; aussi il arrivait que très souvent je pouvais à peine leur arracher mon tableau… Et quel tableau !… Une fois l’argent mangé, ils ne s’inquiétaient pas du reste… Maintenant, donnant… donnant, je les paie lorsque je suis content, sinon je leur fais retoucher, refaire et refaire jusqu’à ce que cela me plaise… Au moins ainsi je ne suis plus volé.

Cette brutale insolence m’indigna. Je ne pus m’empêcher de dire :

— Ah ! Monsieur… vous me révélez là une des plaies douloureuses du génie que je ne soupçonnais pas !… et vous trouvez des artistes ?

— Comment, si j’en trouve ? et des plus fameux encore !… Ils m’accablent de platitudes quand je vais dans leur atelier ; ils me demandent mes conseils, même pour les tableaux qu’ils ne font pas pour moi, et ils ont l’air de m’écouter pour me faire la cour. En vérité, je ne sais pas ce qu’on ne ferait pas faire à cette race pour quelques billets de