Page:Sue - Mathilde, tome 3.djvu/55

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me paraissait alors presque doué d’une puissance surnaturelle.

Pendant un moment il garda le silence, il cherchait quelques papiers.

Le vent redoublait de violence en s’engouffrant par la cheminée. Je sentais une torpeur croissante envahir peu à peu toutes mes facultés ; par deux fois je voulus me lever, appeler du secours : les forces, la voix me manquaient.

— Je vous dis que c’est inutile — dit Lugarto, en haussant les épaules ; — mais écoutez-moi… vous allez connaître votre bien-aimé Gontran et savoir le sujet de mon aversion pour lui… Il y a deux ans… à Paris, j’avais découvert, dans la position la plus humble, une perle de grâce, un trésor de beauté, un cœur noble, un esprit enchanteur, une jeune fille adorable en un mot ; je ne m’étais pas fait connaître à elle pour ce que j’étais. Cette jeune fille m’aima, mais elle ne voulut en rien faillir à ses devoirs… Irrité par la contradiction, j’en devins si éperdument épris, je la trouvai si belle, si bonne, si ingénue, que j’aurais fait la folie de l’épouser, car c’était une de ces vertus qui malgré leurs rigueurs attirent