Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/260

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pour lui ! vous vous réjouissez sans songer qu’il pleurera… qu’il pleure peut-être avec des larmes de sang, un passé qui sera toujours pour lui un rêve, l’idéal de la félicité humaine… Aveuglé sur mes défauts par son amour, sur ma conduite par sa confiance, sa vie se fût écoulée paisible et heureuse… elle se passera dans la désolation !… Allons, vous devez être satisfaite, me voici pauvre, abandonnée de tous, même de mon père ; vous voici vengée, Mathilde, et vous aussi, Monsieur — dit Ursule en s’adressant à Gontran : — vous, Mathilde, dont j’ai trahi l’amitié ; vous, Monsieur, dont j’ai raillé l’amour… à votre triomphe il manque pourtant une chose… c’est de me voir anéantie, écrasée sous les coups d’une fatalité inouïe, mais je ne vous donnerai pas cette joie ; j’ai de la volonté, j’ai de l’énergie : je me trouvais dans un de ces moments qui peuvent décider de l’avenir de toute la vie… un premier bon sentiment en eût peut-être amené un second… Le sort ne l’a pas voulu… Eh bien ! j’ai dix-huit ans, j’ai un caractère de fer, un esprit souple, je suis belle et hardie…