Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/273

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— Et qui a pu, mon Dieu ! vous donner une si fatale conviction ? — s’écria Gontran.

— La raison… la froide et inflexible raison ; mais il faut que le cœur soit bien vide, bien désert, pour que cette voix sévère puisse y retentir !…

— Que dites-vous ?… votre cœur !…

— Mon cœur est vide et désert depuis que je ne vous aime plus, Gontran… et seulement depuis que je ne vous aime plus, j’ai pu juger ma conduite et la vôtre avec impartialité.

— Vous ne m’aimez plus ! — s’écria-t-il.

— Non… c’est ce qui fait que je vois tout avec désintéressement ; c’est ce qui fait que je ne crains pas de vous affliger en vous parlant ainsi… On m’eût dit que l’amour immense que je ressentais pour vous… que cet amour, qui avait résisté à de si rudes épreuves, diminuerait un jour, que j’aurais crié au blasphème !… et pourtant… il s’est éteint.

— Mathilde… Mathilde !…

— Il s’est complètement éteint pendant le peu d’instants que j’ai mis à lire la lettre que vous écriviez à Ursule… Je ne vous fais pas de reproches, Gontran ; je n’ai plus le droit de