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Page:Sue - Mathilde, tome 5.djvu/198

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ces caractères énergiques qui se sacrifient courageusement à de nobles infortunes, qui n’hésitent pas entre leur bonheur et celui d’êtres qui méritent l’intérêt et la sympathie des honnêtes gens. Non, non, encore une fois, non ; j’ai aimé avec la lâche abnégation d’une esclave un homme indigne de moi, et par cela même mes souffrances ont manqué de grandeur. Ne me comparez donc pas à vous, qui avez su si vaillamment reconquérir mille fois plus que vous n’aviez perdu… Contre quelle séduction ai-je lutté ? Cet amour même dont je suis fière, je l’avoue, que m’a-t-il coûté à inspirer ?… Rien… Je n’ai eu qu’à me laisser aimer. Ce n’est pas ma fausse modestie qui me donne ces convictions, mais je vous jure, mon amie, que je suis encore à comprendre la passion que j’ai inspirée à M. de Rochegune. Certes, je sens en moi de généreux instincts ; mais ce ne sont pas mes pressentiments que M. de Rochegune aime en moi. Enfin, mon amie, on vante la délicatesse, la pureté de cet amour ; mais cette délicatesse, cette pureté ne me coûtent pas, je n’ai pas même à lutter contre des ressentiments plus vifs. Si je com-