Page:Sue - Mathilde, tome 5.djvu/75

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mais Emma faisait ce calcul d’une naïveté sublime :

« Puisqu’une parente éloignée est si bonne pour moi… qu’aurait donc été ma mère ! »

Ayant pénétré le secret de la tristesse d’Emma, je me gardai bien d’en parler à madame de Richeville : c’eût été lui porter un coup affreux. Dans son adoration pour sa fille, elle eût été capable peut-être de lui avouer le secret de sa naissance ; et je n’osais prévoir le bouleversement que cette révélation eût apporté dans les sentiments d’Emma pour madame de Richeville : quelle lutte cruelle ne se fût pas élevée dans l’âme de cette jeune fille d’une vertu si fière, si ombrageuse, lorsqu’elle eût appris que sa mère avait commis une grande faute, et que sa naissance, à elle, pauvre enfant, était presque un crime !

Emma était la franchise même ; la perspicacité ne me manquait pas, et je sentais pourtant qu’il y avait en elle un côté mystérieux qui m’échappait encore.

Chose étrange ! j’étais convaincue qu’elle avait un secret, et qu’elle ignorait elle-même ce secret. Je la savais incapable de dissimuler