Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/123

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aimé son insipide et misérable Gontran ! — Oh ! que je suis fière… moi… de n’avoir au contraire rien aimé jusqu’ici ! — que je suis fière d’avoir senti que je ne devais rien aimer avant d’avoir connu mon maître, mon despote. — Et je me plaignais ! mais c’est à genoux, à deux genoux que je devrais remercier le hasard qui, jusqu’ici, m’a rendue insensible.

§

J’ai horreur de moi-même et de tout ce qui m’entoure. — Maintenant, je le sens, je suis une malheureuse créature dégradée. — Jamais un tel homme ne voudra seulement abaisser les yeux jusqu’à moi ; c’est à cette heure que je mesure la profondeur de l’abîme de fange et d’infamie où je suis tombée. — Jamais je ne pourrai laver cette souillure. — De quels stupides paradoxes me suis-je bercée ?… me croire digne de lui… moi… moi !… Oh ! profanation ! — Est-ce que j’oserais seulement le regarder… lui parler !… Lui parler !… mais je mourrais de confusion… — Ah ! maintenant je comprends la timidité… ou plutôt la honte !