Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

délicat, entouré de séductions, il fallait que M. de Morville fût une manière de Scipion pour se vouer à un amour impossible après être resté si longtemps fidèle au souvenir d’une femme aimée, nous répondrons que si ces exemples de constance phénoménale se rencontrent quelquefois, c’est surtout parmi les hommes jeunes et beaux, sensibles, délicats et entourés de séductions ; ils ont eu assez de succès pour n’être pas infidèles par fausse honte, ou pour ajouter par vanité un chiffre de plus à leurs heureuses fortunes.

Puis la facilité même des triomphes auxquels ils peuvent prétendre les en éloigne. Enfin, sans être absolument rassasiés de plaisirs, leur première fougue étant dès longtemps apaisée, ils sont alors avides de jouissances plus délicates… heureux d’y consacrer la plus large part de leur existence…

Pour exercer ainsi leurs facultés sensitives, il n’est pas besoin d’un amour heureux ; ils trouvent un charme doux et triste aux regrets incessants que cause un souvenir adoré, aux tendres angoisses d’un amour sans espoir ; ils comprennent enfin l’ineffable volupté de la mélancolie, les raffinements des passions pures et élevées.

Des hommes moins bien doués, moins accoutumés au succès, sont fidèles ou désintéressés en amour… par nécessité.

Les gens comme M. de Morville le sont, si cela se peut dire, par luxe.

C’est parce qu’il ne tiendrait qu’à eux d’avoir,